Les dernières avancées scientifiques présentées au dernier Congrès médical Européen EADV ​

Bonjour et Merci Dr Skayem d’accepter de faire le point pour FRANCE3A sur les dernieres avancées en ce qui concerne l’acné, ses traitements et ses prises en charges !

  • Quelles sont les questions que vous avez abordées sur l’acné lors du dernier Congrès Européen EADV ?

    • Quel est le rôle des antibiotiques et le risque de résistance aux antimicrobiens dans l’acné ?
    • La modulation du microbiome peut-elle contrôler l’acné inflammatoire ?
    • A quel point sommes-nous proches d’envisager la bactériothérapie (phagothérapie), la vaccination, et la transplantation de peau dans l’arsenal thérapeutique de l’acné ?

     

    Quel est le risque de résistance aux antibiotiques ?

    La résistance aux antimicrobiens est un problème de santé publique croissant dans le monde entier. Les infections dues à la résistance aux antimicrobiens causent un décès toutes les 15 minutes et la résistance aux antimicrobiens est l’un des trois principaux problèmes de santé publique du 21ème siècle. L’intérêt de la résistance aux antimicrobiens dans l’acné réside dans le fait que l’acné est la maladie cutanée la plus répandue dans le monde, que la bactérie ‘Propionibacterium/Cutibacterium Acnes’ joue un rôle clé dans la pathogenèse de cette maladie, tout en faisant partie d’un microbiome cutané complexe, et que les antibiotiques sont couramment recommandés dans le traitement. Le traitement par les antibiotiques prescrits pour l’acné peut être associé à des infections des voies respiratoires supérieures (risque multiplié par 2).

    Y a-t-il de nouvelles molécules autres que les antibiotiques dans le traitement de cette maladie?

    Il s’agit de la clascotérone et le trifarotène.

    La clascotérone 1%  est un anti-androgène, ou  du , la  des  tels que la  et l’. A souligner que malgré son mode d’action anti-androgénique, une diminution de la libido ou une féminisation chez les hommes ne sont pas observées avec cette molécule. D’ailleurs, dans les études sur la souris, il a été observé que le clascotérone présentait une puissante activité anti-androgénique locale, mais son effet anti-androgénique systémique était insignifiant lorsqu’il était administré par injection sous-cutanée.

    Le trifarotène (50 microgrammes par gramme) est un rétinoïde, plus précisément un agoniste sélectif de 4ème génération du récepteur de l’acide rétinoïque gamma qui a une action comédolytique et anti-inflammatoire, faisant preuve de son efficacité dans deux essais cliniques randomisés. 

    Y a-t-il de nouvelles molécules en cours d’ études ?

    Une nouvelle molécule, ‘’N-acétyl-GED-0507-34-LEVO’’ est un modulateur des récepteurs activés par les proliférateurs de peroxysomes (PPARγ) et a été étudié dans un essai de phase IIb randomisé en double aveugle et contrôlé par véhicule. Les résultats suggèrent que le récepteur PPARγ est une nouvelle cible thérapeutique pour l’acné. Ils constituent une base pour un vaste essai de phase III visant à évaluer l’efficacité et le profil de sécurité de la NAC-GED dans la lutte contre cette maladie.

    Y a-t-il de nouvelles molécules d’antibiotiques pour l’acné ?

    Concernant les antibiotiques, la dernière molécule approuvée par la FDA américaine est la sarécycline 1.5mg/kg/jour (60-150mg/jour) qui est une molécule de la 3ème génération des tétracyclines, à spectre étroit, indiquée chez les patients présentant des lésions inflammatoires d’acné modérée à sévère non-nodulaire. La sarécycline possède des propriétés anti-inflammatoires et une activité puissante contre les bactéries Gram-positives, y compris contre de multiples souches de Cutibacterium, tout en présentant une activité minimale contre les bactéries Gram-négatives aérobies entériques. Contrairement à de nombreuses études sur l’acné, la sarécycline a été étudiée pour l’acné du thorax et du dos.

    Existe-t-il des résistances aux antibiotiques prescrits pour l’acné ?

    La résistance aux antibiotiques dans l’acné a été observée pour la première fois dans les années 1970 et constitue une préoccupation majeure en médecine. Les taux de résistance et les types d’antimicrobiens ont ensuite montré de grandes variations dans les régions et les pays. La résistance à l’érythromycine et à la clindamycine topiques, qui continue de poser problème dans le monde entier, en est un exemple, alors que la résistance au traitement systémique par les tétracyclines est restée moins importante au cours de la dernière décennie. La résistance aux nouveaux macrolides comme l’azithromycine et la clarithromycine a augmenté. Au total, la plus grande résistance est à la clindamycine, suivie de celle à l’érythromycine, tétracycline et doxycycline. A noter que la résistance du Cutibacterium à la clindamycine et l’érythromycine peut atteindre 90% dans certains pays.

    Les antibiotiques systémiques ont-ils leur place dans le traitement de l’acné ?

    Les dernières recommandations Européennes fondées sur des preuves sont encore d’actualités : les antibiotiques systémiques sont réservés aux formes sévères papulo-pustuleuses/nodulaires modérées, et les formes sévères nodulaires/acné conglobata.  Les cyclines sont efficaces sur les lésions inflammatoires et à un moindre degré sur les lésions rétentionnelles. Il n’y a pas de preuve de supériorité d’une cycline par rapport à une autre en termes d’efficacité. La résistance bactérienne, notamment de Cutibacterium. Acnes et d’autres germes cutanés, entraîne une diminution de l’efficacité des antibiotiques et accroît le risque d’infections graves à germes multi-résistants. Cela incite à limiter l’utilisation des cyclines à de courtes périodes Une utilisation à faible dose des cyclines pourrait être efficace tout en limitant la sélection de germes résistants, mais des données supplémentaires sont nécessaires pour le confirmer. Les macrolides ont également montré leur efficacité, mais le problème de résistance bactérienne acquise lors de traitements prolongés ne recommande pas leur utilisation en première intention. Les effets indésirables varient d’une cycline à l’autre, surtout entre la doxycycline et la minocycline. Cette dernière est associée à des effets indésirables plus graves (hypersensibilité, auto-immunité) que la doxycycline. Ainsi, la minocycline ne devrait pas être prescrite en première intention. L’association de traitements antibiotiques par voie générale et locale n’est pas justifiée sur le plan infectiologique en l’absence d’effet synergique ou additif des molécules concernées. Elle n’est pas recommandée en raison du risque accru de sélection de bactéries résistantes, en particulier Cutibacterium Acnes et de l’absence d’étude prouvant une efficacité clinique supérieure pour une telle association

    Quelle est la place des antibiotiques topiques dans le traitement de l’acné ?

    L’érythromycine et la clindamycine démontrent une efficacité certaine et comparable sur les lésions inflammatoires et dans un moindre degré sur les lésions rétentionnelles.

    Certaines études, dans des circonstances particulières, ont montré une efficacité similaire de l’érythromycine et de la clindamycine topiques à celle des cyclines (tétracycline et minocycline) par voie orale.

    En raison du risque de développement de résistances bactériennes, il est déconseillé d’utiliser ces antibiotiques locaux seuls et pendant plus de 3 mois. Ils devraient donc être combinés avec d’autres topiques.

    La modulation du microbiome peut-elle contrôler l’acné inflammatoire ?

    L’analyse du microbiote montre une diversité alpha significativement plus faible dans les lésions inflammatoires que dans les lésions non inflammatoires des patients acnéiques ou des sujets sains. Les différences au niveau des espèces sont dues à la surabondance de Cutibacterium dans les lésions inflammatoires A. Le phylotype IA1 est plus représenté dans la peau des patients acnéiques que dans celle des sujets sains. Des gènes impliqués dans le transport et le métabolisme des lipides, ainsi que des facteurs de virulence potentiels associés à la colonisation des tissus de l’hôte, ont été détectés dans toutes les souches IA1, indépendamment du site d’isolement. De plus, les isolats IA1 sont plus efficaces dans l’adhésion précoce et la production de biomasse que les autres phylotypes, montrant une augmentation significative de la tolérance aux antibiotiques. Dans l’ensemble, la dysbiose spécifique au site dans les lésions inflammatoires et la colonisation par des phylotypes de Cutibactérium virulents et hautement tolérants peuvent contribuer au développement de l’acné dans une partie de la population, malgré le portage universel du micro-organisme. En outre, de nouveaux agents antimicrobiens, ciblant spécifiquement le Cutibacterium formant des biofilms, pourraient représenter des traitements potentiels pour moduler le microbiote cutané dans l’acné.

    Qu’est-ce que la bactériothérapie (phagothérapie), et à quel point sommes-nous proches d’envisager la bactériothérapie (phagothérapie), la vaccination et la transplantation de peau dans l’arsenal thérapeutique de l’acné ?

    La phagothérapie se fonde sur la destruction de bactéries pathogènes par des virus mortels pour ces dernières, mais incapables de nous infecter. L’utilisation de bactériophages lytiques pour lutter contre les infections bactériennes a donné des résultats prometteurs, et des effets anti-inflammatoires ont été constatés pour certains bactériophages et pour la thérapie par les phages. Ces effets peuvent être liés à l’élimination des bactéries ou à l’interaction directe avec les cellules immunitaires, ce qui entraîne la régulation des cytokines pro-inflammatoires. Les études sur les bactériophages de Cutibacterium ont porté sur leur activité lytique, leur structure génomique et leur stabilité sur différentes matrices. Cependant, les études explorant le potentiel d’immunomodulation de ces bactériophages sont encore rares.

    Les bactériophages de Cutibacterium, ainsi que d’autres phages, peuvent avoir des effets immunomodulateurs directs qui n’ont pas encore été entièrement élucidés. Certaines études ont mis en évidence une réduction de la réponse pro-inflammatoire à l’inoculation de Cutibacterium chez la souris après l’application du bactériophage.  La thérapie par les phages pour traiter l’acné peut être une alternative thérapeutique appropriée, ce qui peut aider à restaurer l’équilibre du microbiote de la peau. En contrôlant la colonisation de Cutibacterium, les bactériophages Cutibacterium peuvent réduire les réactions inflammatoires déclenchées par cette bactérie.

    A quel point sommes-nous proches d’envisager la vaccination et la transplantation de peau dans l’arsenal thérapeutique de l’acné ?

    On a pu créer un vaccin qui réduit avec succès l’inflammation dans un modèle d’acné chez la souris, ce qui constitue une avancée majeure dans le domaine thérapeutique. Le vaccin neutralise une variante spécifique d’une enzyme produite par la bactérie associée à l’acné, tout en laissant intacte l’enzyme bactérienne saine.

    Grâce à ces nouveaux travaux, on a fait un pas de plus vers la réduction drastique de la sévérité de cette affection courante, avec un traitement plus précis et moins perturbateur que celui actuellement disponible. Mais, la vaccination cible uniquement l’hyperinflammation et constitue jusqu’à présent un outil complémentaire à envisager plutôt qu’une solution radicale.

    A quel point sommes-nous proches d’envisager la transplantation de peau dans l’arsenal thérapeutique de l’acné ?

    C’est plutôt pour les lutter contre les séquelles. Et c’est des procédures qu’on réalise dans la pratique, mais qui n’ont pas été comparées à d’autres options thérapeutiques. La greffe dermique est une procédure pour améliorer les résultats de la subcision. Lors de la subcision, une aiguille est insérée, puis déplacée sous la peau pour briser le tissu cicatriciel et détacher la cicatrice afin qu’elle puisse être soulevée. À chaque traitement, la zone est stimulée pour produire plus de tissu sous la cicatrice, ce qui lui donne du soutien et l’aide à se soulever avec le temps.

    Avec la greffe dermique, on va plus loin et on transplante des fibroblastes et des cellules sous la cicatrice, afin d’aider le corps à produire du tissu supplémentaire et à assurer un soutien plus rapide.

    Pour ce faire, un prélèvement cutané de la zone donneuse derrière l’oreille est réalisé. Une fois que la subcision a été effectuée et que la cicatrice a été séparée du tissu sous-jacent, une petite partie des cellules cutanées prélevées derrière l’oreille est insérée sous la peau. Ces cellules sont généralement prélevées dans le derme, qui est riche en fibroblastes, et soutiendront à long terme le processus de cicatrisation.

    L’avantage supplémentaire de la greffe dermique par rapport à la subcision est que les améliorations immédiates sont plus spectaculaires en raison de l’augmentation du volume du tissu cutané transplanté.

    Un grand merci Dr Skayem, Nous vous donnons rendez-vous à l’EADV 2024!

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